Rapport sur le Monitoring des Violations des Droits des prisonniers.
Période du mois d’Avril 2020.
Plan du présent rapport.
• INTRODUCTION
• CAS DE TRAITEMENTS INHUMAINS ET DEGRADANTS.
• CAS DE PRIVATION AUX SOINS DE SANTE
• AUTRES VIOLATIONS
- Introduction
Au cours du mois d’Avril 2020, ACAT-Burundi a documenté les violations des droits humains pour les personnes privées de liberté en général et ceux poursuivis pour des crimes à caractère politique en particulier. Au cours de cette période, diverses violations des droits des prisonniers et les mauvaises conditions de détention dues à la surpopulation carcérale ont été recensées dans les établissements pénitentiaires de la province de Bujumbura Mairie (prison de Mpimba) et dans les provinces de Muramvya, Gitega et Rumonge.
Dans le présent rapport, ACAT-Burundi va se focaliser sur les traitements inhumains et dégradants et actes de torture dont sont victimes les prisonniers en
général et en particulier, ceux poursuivis pour des crimes à caractère politique, la surpopulation carcérale ainsi que sur la problématique d’accès aux soins de santé des détenus dans cette période de pandémie du COVID – 19.
Les violations constatées sont résumées en trois points à savoir : les traitements
inhumains et dégradants pouvant être qualifiés de torture, problèmes d’accès aux soins de
santé, atteinte à la liberté et autres violations.
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- CAS DE TRAITEMENTS INHUMAINS ET DEGRADANTS.
Au cours du mois d’avril 2020, les traitements inhumains et dégradants constitutifs d’acte de torture ont été observés pendant cette période concernée par le présent rapport même si le nombre de victimes a baissé par rapports à nos rapports antérieurs. Toutes les violations rapportées au cours de cette période du présent rapport ont été constatées dans la prison de Mpimba. Les prisonniers fidèles au parti présidentiel qui opèrent sous les ordres de la direction de la Prison sont pointés du doigt par leurs pairs. Les auteurs de ces exactions ont été nommés par la direction de la prison pour faire partie du comité de sécurité et ce sont ceux – la même qui maltraitent les détenus sous l’œil complice de la police pénitentiaire alors que cette dernière a le monopole d’assurer la sécurité des prisonniers.
A côté des actes de maltraitance physique, ces détenus regroupés en ce qu’ils ont appelé « comité de sécurité » organisent des fouilles dans les cellules occupées par les détenus politiques pour chercher des téléphones et profitent de ces moments pour commettre des vols au grand jour.
Le porte flambeau de ce mois est un certain ZIGAMA, connu comme étant membre influent du parti au pouvoir, le CNDD-FDD et membre du comité de sécurité dans la prison de Mpimba.
A titre illustratif, ci – dessous quelques cas de violations des droits des prisonniers constatés :
1. En date du 27 avril, à la prison centrale de Mpimba, un certain Didier NITUNGA a été arraché de son téléphone par le chef de sécurité de la prison de Mpimba sous prétexte qu’il est en communication directe avec l’ancien président burundais Pierre BUYOYA sans aucun motif avancé. Il a été emprisonné pendant deux jours avant qu’il ne soit relaxé le mercredi 29 avril 2020.
2. Un certain NDAYIKEZA Jean Baptiste de la prison centrale de Mpimba a été mis au cachot en date du 29 avril 2020 par le chef de sécurité un certain ZIGAMA pour la seule cause qu’il a eu l’immense joie d’avoir vu l’honorable Agathon RWASA à la télévision nationale lors de la campagne de son parti CNL (Congrès National de Liberté). Il a passé une nuit dans une chambre correctionnelle avant qu’il soit relâché le lendemain.
3. En date du 30 avril 2020, à la prison de Rumonge, un certain NSABIMANA Oscar qui a un dossier politique a été contraint de déménager par force à l’ordre du comité chargé de sécurité. Il a déménagé en provenance du Bloc II, chambre 6 vers la chambre 10 juste à côté de la toilette. Selon le comité chargé de sécurité, il ne pouvait pas contrôler facilement les mouvements d’OSCAR qui semblait être en cachette au bloc 2 dont il habitait. A la chambre 10, il sera facile de repérer et contrôler facilement les mouvements de ce dernier.
- CAS DE PRIVATION AUX SOINS DE SANTE .
La problématique d’accès aux soins de santé à l’extérieur de la prison s’est faite toujours remarquée au cours du mois d’avril 2020. Une certaine catégorie de détenus à savoir ceux poursuivis pour des crimes ayant traits à la politique continue d’être privés de leur droit à l’accès aux soins à l’extérieur de la prison et cette mesure inique provoque une détérioration de la santé des détenus.
1. Un détenu connu sous le nom de NICOYITUNGIRA est décédé le vendredi, 06 Avril 2020 en cours de route vers l’hôpital Prince Régent Charles de BUJUMBURA. Il avait demandé maintes reprise l’autorisation d’aller se faire soigner à l’extérieur de la prison vue que la structure de soins de cet établissement ne dispose pas des médecins ni de médicaments adéquats pour le soigner mais en vain. La direction de la prison de MPIMBA a finalement autorisé ce détenu d’aller se faire soigner en dehors de la prison mais c’était trop tard, il n’a pas survécu. Signalons que le détenu NICOYITUNGIRA était accusé de viol.
2. En date du 08 Avril 2020, à la prison centrale de Mpimba, un certain MUGAMBIRA Etienne alité au dispensaire de la prison de Mpimba et dont l’état était critique a demandé un transfert dans un structure de soins approprié autre que la prison mais le directeur adjoint, un certain Samuel KAYANDA lui a dit d’attendre. Après avoir consulté son dossier, il a constaté qu’il est poursuivi pour un dossier à caractère politique et il est resté à la prison jusqu’à ce qu’il perde la conscience. Il a fallu attendre cet état d’inconscience pour le transférer à l’Hôpital Prince Régent Charles où il subit des soins intensifs jusqu’à ce jour.
A côté de cette problématique liée à la difficulté d’accès aux soins de santé dans une structure de soins appropriée, les établissements pénitentiaires connaissent des difficultés pour mettre en application les mesures d’hygiène tel que recommandé par l’OMS et le Ministère de la Santé afin de faire face à la pandémie due au Corona – virus qui sévit le monde. Le manque du savon, d’eau potable ainsi que la surpopulation carcérale rendent cette tache périlleuse.
La Direction Générale des Affaires Pénitentiaires a pris une mesure de suspendre les visites afin d’éviter la propagation du virus mais les détenus jugent cette mesure inefficace car chaque jour plus de cent nouveaux détenus entrent dans les différents établissements pénitentiaires et ceux – ci sont directement dans les cellules où logent d’autres détenus sans qu’ils aient été testés ou mis en quarantaine. Le personnel pénitentiaire accède dans les cellules où logent les détenus et sans oublier les détenus libres qui passent presque toute la journée à l’extérieur de la prison et qui regagnent les cellules le soir.
- AUTRES FORMES DE VIOLATIONS
1. Les détenus de la prison de Muramvya vivent dans des conditions alarmantes du fait d’un effectif très élevé des prisonniers. Depuis le 26 avril, des détenus des chambres 8 et 10 côté homme, dorment dans les toilettes. Entre 6 et 8 détenus passent toute la soirée dans cette petite cellule ci- haut citée qui a une dimension d’un mètre sur deux.
La plus part d’entre eux, les jambes commencent à gonfler et la toilette en soi présente insalubrité à tel point qu’ils risquent d’ attraper des maladies.
A part ces mauvais traitements dont sont victimes certains détenus dans
différentes maisons de détentions du Burundi, il s’observe encore un effectif très
élevé dépassant la capacité d’accueil des prisons si l’on se réfère au nombre de
détenus qu’elles devraient accueillir et le nombre de prisonniers qu’elles comptent actuellement, et cela s’explique par la lenteur dans le traitement des dossiers judiciaires des prévenus, la non-exécution des décisions rendues par les Cours et Tribunaux et le fait que les magistrats abusent de la détention préventive :
A titre illustratif :
– La prison centrale de Mpimba a une population carcérale de 4075, alors qu’elle devrait accueillir 800 prisonniers au total. Parmi les 4075, 3900 sont des hommes et 175 sont des femmes et parmi eux, 1763 sont des hommes condamnés et 26 seulement sont des femmes condamnées ; 2137 sont des prévenus hommes, 149 sont des prévenus femmes. Elle compte aussi 23 nourrissons.
– La prison de Muramvya qui a une capacité d’accueil de 100 détenus compte aujourd’hui 847 prisonniers.
– La Prison de Gitega qui ne devrait pas dépasser 400 détenus regorge 1313 détenus.
CONCLUSION
La préparation des élections de 2020 favorise la recrudescence des cas de
violations des droits de l’homme et l’impunité, la population carcérale n’est pas épargnée, puisque les détenus poursuivis pour des crimes à caractère politique continuent d’être la cible des imbonerakure qui sont à l’intérieur des prisons pour surveiller et infliger des mauvais traitements aux opposants politiques ou supposés à l’abri des regards, Acat-Burundi déplore l’exclusion et le harcèlement à l’endroit des prisonniers politiques.
Les directeurs des établissements pénitentiaires semblent jouer la complicité face aux nombreuses violations qui sont commises au grand jour par les jeunes Imbonerakure qui se cachent derrière ce qu’ils ont appelé comité de sécurité en violation de la loi et du règlement qui régissent les établissements pénitentiaires au Burundi.
Au regard de cette situation, les autorités burundaises doivent prendre conscience de la gravité de la situation et fournir un effort pour mettre fin à ces récurrentes violations.
RECOMMANDATIONS
A l’endroit du Gouvernement du Burundi :
- De prendre des mesures qui s’imposent pour éviter la violation des droits des prisonniers et de combattre la maltraitance de certains prisonniers par leurs pairs,
- D’améliorer les conditions carcérales en prenant des mesures de
désengorgement des prisons et de traiter sur le même pied d’égalité tous les prisonniers, - Prendre des mesures efficaces pour éviter la pandémie du COVID-19 dans le milieu carcéral