Un exemple emblématique de la répression de la liberté d’expression depuis le 26 avril 2015
Plusieurs voies ne cessent de s’élèvent pour exprimer la solidarité avec Germain RUKUKI, ex employé de l’Acat-Burundi qui a été emprisonné et condamné pour 32 ans de prison pour son travail de défenseur des droits humains, une année après sa condamnation qui a tombé le 26 avril 2018, Acat- Burundi choisit de vous partager un appel d’un membre de sa famille demandant sa libération, l’entretien a été recueilli sur le blog Light on Burundi :
https://alightonburundi.weebly.com/blog/germain-rukuki
Voici l’entretien en bas :
Germain Rukuki est l’un des défenseurs des droits humains détenus au Burundi. Le 26 avril 2018, il a été condamné à 32 ans de prison. Les ONG internationales ont dénoncé sa détention et Amnesty International l’a déclaré prisonnier d’opinion.
Les Burundais ont continué à dénoncer la répression en cours contre la liberté d’expression, en particulier à l’approche des élections de 2020. Récemment, le gouvernement a fermé le Bureau des droits de l’homme de l’ONU et a interdit les médias internationaux, notamment la BBC et VOA.
Le jour de l’anniversaire de la condamnation de Germain, Light on Burundi a interrogé un parent de Germain sur son procès :
Light on Burundi (LB) : Comment va Germain Rukuki et que pouvez-vous nous dire sur son procès ?
C’est un parent de Germain (nous l’appelions M.) : Germain vit péniblement en prison loin de sa famille, il n’a pas vu naitre son troisième enfant, son fils est né quand Germain était déjà détenu à Ngozi.
Au sujet de son procès, personnellement, j’ai été déçu par certains faits depuis son arrestation.
Germain devait être détenu à Bujumbura et jugé par le Tribunal de Grande Instance de Ntahangwa mais ils l’ont envoyé à Ngozi loin de sa famille. Germain a été malade et forcé de quitter l’hôpital précipitamment avant qu’il soit complètement guéri et a retourné à la prison de Ngozi.
Cette semaine, son appel a de nouveau été reporté ; nous avons demandé à ses avocats pourquoi, mais ils n’ont pas de détails.
LB : Pourquoi Germain a-t-il été arrêté ?
M. : Germain travaillait pour une organisation de la société civile au Burundi. Je peux dire que sa détention est un cas emblématique de la répression au Burundi car il n’était pas coupable, Germain est l’un des prisonniers politiques du Burundi.
LB : Pourquoi l’appelez-vous prisonnier politique ?
M. : Je ne suis pas le seul à penser ça. Amnesty International l’a qualifié de prisonnier d’opinion, le rapporteur de l’ONU sur les droits de l’homme a appelé le gouvernement du Burundi à libérer Germain, les autres défenseurs ne cessent de dénoncer la persécution à l’endroit de Germain RUKUKI.
Il faut remarquer que les accusations contre Germain sont fabriquées, d’abord, il a été accusé d’être impliqué dans le “Coup d’Etat”, mais ses avocats et sa famille ont déclaré que le jour du coup d’Etat, Germain n’était pas au Burundi, il rendait visite à un membre de sa famille qui était à l’hôpital en dehors du Burundi.
Deuxièmement, Germain a été accusé d’avoir tué des policiers et des soldats, mais pendant le procès, l’officier de justice n’a pas été en mesure de fournir un seul nom d’un policier tué ou les circonstances de ce crime.
Enfin, des diplomates ont tenté d’observer son procès à Ngozi, mais les autorités les ont découragés. Normalement, les procès sont ouverts au public, pour tous ceux qui veulent venir.
Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres.
LB : Comment expliquez-vous la peine de 32 ans de prison si vous dites que Germain est innocent ?
M. : Germain a été condamné à 32 ans de prison, cette décision a été annoncée le 26 avril. Je pense que cette date a également été choisie pour des raisons politiques parce que les manifestations ont commencé le 26 avril 2015. Nous savons que Germain a été accusé de soutenir les manifestations contre le troisième mandat du président Nkurunziza.
Je considère la peine de 32 ans de prison comme un message, une menace, pour décourager les défenseurs des droits humains au Burundi.
LB : La porte-parole de la Justice Agnes Bangiricenge a dit à la presse locale que le dossier de Germain avait été perdu. Qu’est-ce que tu en sais ?
M. : Le dossier n’a pas été perdu. Quelqu’un l’a caché pour des raisons politiques. Cela n’est pas étonnant dans le système judiciaire burundais, c’est déjà arrivé à d’autres voix dissidentes. La dernière date d’appel de Germain était le 26 novembre et une décision devait être annoncée dans les 30 jours, mais maintenant nous sommes à cinq mois sans décision.
LB : Etes-vous en contact avec ses avocats ? Comment vont-ils ?
M. : Oui, nous gardons contact avec l’équipe de ses avocats. J’apprécie ce qu’ils ont fait pour défendre Germain même s’il reste détenu. Le procès en appel devait avoir lieu le 25 avril 2019, mais nous sommes déçus d’apprendre qu’il est à nouveau reporté. Nous ne savons pas pourquoi, ni quand elle sera reprogrammée.
LB : Que peut-on faire pour libérer Germain ?
M. : La personne qui a décidé de l’arrêter, celle qui a décidé de l’envoyer à la prison de Ngozi, cette personne devrait penser à la famille de Germain, ses enfants. Cette personne devrait penser à Germain qui a besoin d’un traitement médical et ils devraient décider de le libérer.
Pour les défenseurs des droits humains, je leur recommande d’agir par tous les moyens possibles et d’exprimer leur solidarité avec Germain Rukuki et les autres prisonniers politiques.
LB : Quelles sont vos réflexions sur la période qui s’est écoulée depuis l’arrestation de Germain ?
M. : J’ai apprécié la façon dont certains partenaires ont soutenu Germain et sa famille. Certains ont rendu visite à Germain en prison, d’autres à sa femme et à ses enfants en exil. J’ai entendu dire que les autres prisonniers aiment Germain et j’apprécie donc aussi l’hospitalité et la solidarité des prisonniers à Ngozi. Surtout quand Germain était malade à l’hôpital et en prison. Mais j’ai été choqué par la façon dont Germain a été expulsé de l’hôpital avant qu’il ne soit guérri.
LB : Y a-t-il d’autres prisonniers dans la même situation que Germain ?
M. : Oui, bien sûr, il y en a tellement. Comme je l’ai dit, l’arrestation de Germain n’est qu’un cas emblématique de prisonniers politiques au Burundi.
Il y a un autre défenseur des droits humains, Nestor Nibitanga, qui est détenu à la prison de Rumonge, il a été condamné à 5 ans. D’autres opposants sont détenus. J’apprécie la décision de Pierre Nkurunziza de libérer certains prisonniers, cela signifie clairement que le président peut décider de libérer des prisonniers.
LB : Pensez-vous que le président peut décider de libérer Germain ?
M. : Normalement, la justice doit être indépendante de la politique, mais au Burundi, le Président de la République est considéré comme le chef du système judiciaire, le “Magistrat suprême”. J’espère que la justice burundaise et les différents partenaires pourront agir, exprimer leur opinion et inspirer les magistrats à décider de libérer un prisonnier comme Germain.
LB : Avez-vous des suggestions ?
M. : Ma suggestion aux différentes personnes est d’exprimer ma solidarité avec Germain ce 26 avril. Exprimer ma solidarité avec les autres prisonniers au Burundi. Les gens peuvent le faire sur les médias sociaux ou écrire des lettres.
Les personnes qui sont encore au Burundi peuvent visiter Germain et d’autres prisonniers.
Les décideurs du système judiciaire peuvent fixer une autre date pour l’appel de Germain et le libérer parce qu’il est innocent.
LB : Pensez-vous que Germain restera en prison pendant 32 ans ?
M. : Non, non, il ne peut pas passer 32 ans en prison. J’espère qu’il sera bientôt libéré. Les décideurs du système de justice, les avocats et les partenaires devraient tous travailler ensemble pour trouver une solution au nom de la justice.
LB : Merci pour votre temps
M. : Merci aussi pour votre temps.