HALTE À LA RÉPRESSION DES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS ET DES JOURNALISTES BURUNDAIS !

APPEL URGENT DE L’ACAT FRANCE

Le 2 février 2021, la Cour suprême du Burundi a rendu public un arrêt qui aurait été prononcé le 23 juin 2020 condamnant douze défenseurs des droits humains et journalistes burundais en exil – dont le Président de l’ACAT-Burundi – à des peines de prison à perpétuité pour « insurrection » et « organisation d’un coup d’Etat ».

Pour avoir dénoncé et documenté les violations des droits humains commises par le régime du président Pierre Nkurunziza – qui souhaitait briguer un troisième mandat en dépit de la limitation constitutionnelle fixée à deux mandats – douze défenseurs et journalistes burundais ont dû fuir le Burundi après 2015 en raison des menaces, violences et intimidations dont ils faisaient l’objet.
Maître Armel Niyongere, président de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-Burundi) et secrétaire général de l’organisation SOS-Torture, Maître Vital Nshimirimana, délégué général du Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC), Pacifique Nininahazwe, président du Forum pour la conscience et le développement (FOCODE), Marguerite Barankitse, présidente et fondatrice de la Maison Shalom, Innocent Muhozi, président de l’Observatoire de la presse au Burundi (OPB) et directeur de la Radio-Télévision Renaissance, Dieudonné Bashirahishize, président du Collectif des avocats pour la défense des victimes des crimes de droit international commis au Burundi (CAVIB), Patrick Nduwimana, journaliste à la Radio Voix d’Amérique (VOA), Bob Rugurika, directeur de la Radio publique africaine (RPA), Patrick Mitabaro, journaliste à la Radio Inzamba, Anne Niyuhire, journaliste à la Radio Inzamba, Arcade Havyarimana, journaliste à la Radio Umurisho et Gilbert Niyonkuru, ancien journaliste à la RPA.
Leurs associations et médias ont, pour la plupart, été fermés puis interdits d’exercer leurs activités.
Du fait de leur exil, ces douze défenseurs et journalistes – poursuivis dans le cadre de l’affaire de la tentative de coup d’Etat d’une frange de l’armée à Bujumbura les 13 et 14 mai 2015 – n’ont pas pu se défendre devant la justice de leur pays pour les délits invraisemblables pour lesquels ils étaient accusés en tant que civils : avoir « directement pris part à l’exécution et/ou coopéré directement à l’exécution de l’attentat dont le but était de changer le régime constitutionnel et d’inciter les citoyens à s’armer contre l’autorités de l’Etat » « assassiné des militaires, policiers et civils », « méchamment détruit et dégradé plusieurs édifices ».
Aucun avocat burundais n’a accepté d’assurer leur défense par peur des représailles éventuelles de la part du régime. L’avocat congolais devant les représenter, n’a pas été reconnu par la Cour suprême.
Les droits de la défense et les droits à un procès équitable n’ont par conséquent pas été garantis et jusqu’à ce jour, les douze défenseurs n’ont pas pu obtenir une copie du jugement qui aurait été prononcé le 23 juin 2020, rendant toute contestation impossible.

Vous souhaitez vous mobiliser pour demander aux autorités burundaises de mettre un terme au harcèlement judiciaire à l’encontre des défenseurs des droits humains et des journalistes burundais :

– Téléchargez la lettre, personnalisez-la avec vos coordonnées et adressez-la au Président du Burundi via l’ambassade du Burundi en France, par voie postale ou en copiant votre lettre directement sur le site de l’ambassade : http://www.ambassade-du-burundi.fr/nous-contacter/
– Tweetez, notamment directement auprès du Président du Burundi : @GeneralNeva et @NtareHouse, postez sur Facebook, faites-le savoir autour de vous !

CONTEXTE
 
En 2005, le Burundi sort d’une longue guerre civile. Pierre Nkurunziza arrive au pouvoir après des accords de paix. Sa faction armée remporte tous les scrutins et contrôle toutes les institutions du pays. Au cours des années suivantes son pouvoir ne cessera de s’éroder et de se criminaliser par la répression et la corruption. En 2010, l’opposition ne participe pas au scrutin présidentiel permettant à Pierre Nkurunziza d’être réélu. En mars 2014, il tente de faire modifier la Constitution afin de supprimer la limitation des mandats présidentiels : les députés refusent. Face à ce camouflet, les conseillers de Nkurunziza prétendent que son premier mandat ne compte pas puisqu’il a été élu de manière indirecte par le Parlement. Le 25 avril 2015, Nkurunziza annonce qu’il se présente à l’élection présidentielle, pour un troisième mandat consécutif. Dès le lendemain, la jeunesse descend dans les rues de Bujumbura pour dire « non » au troisième mandat. La police et la milice pro-gouvernementale « Imbonerakure » répriment. C’est le début des exactions : manifestants tués par balles, torturés, menacés… Tous les partis d’opposition comme la très grande majorité des organisations de la société civile appellent à la mobilisation citoyenne pacifique pour faire échouer cette dérive totalitaire. Conscient de la vitalité de la société civile dans ce combat pour le respect des Accords d’Arusha(qui interdisent de conserver le pouvoir plus de 10 ans), le régime s’engage dans une politique d’affaiblissement délibéré de cette société civile. Il profite de l’échec du coup d’État du 13 mai 2015 et de la chasse aux militaires dissidents pour décimer la plupart des médias indépendants.
Des mesures arbitraires sont prises à leur égard, notamment, la fermeture et la saisie de leurs comptes bancaires personnels et de celles d’une dizaine d’organisations de la société civile (novembre 2015),  la suspension et la radiation des principales organisations et médias œuvrant pour la défense des droits humains (octobre 2016).
Les avocats engagés dans la défense des victimes des crimes commis depuis 2015 constituent une des principales cibles du pouvoir burundais du fait de leur travail de représentant des victimes auprès de différents mécanismes internationaux juridictionnels. Le 16 janvier 2017, la cour d’appel de Bujumbura décide, en dépit de l’opposition du barreau, de radier de l’ordre des avocats quatre avocats, responsables d’organisations : Vital Nshimirimana, Dieudonné Bashirahishize, Armel Niyongere et Lambert Nigarura. Ces sanctions sont des représailles prises suite à leur participation, en juillet 2016, à la session d’examen du Burundi par le Comité contre la Torture (CAT) des Nations unies, au cours de laquelle ils avaient dénoncé, preuves à l’appui, la pratique généralisée de la torture au Burundi.
Avec la montée des violences politiques, les disparitions forcées, les tentatives d’assassinat de membres de la société civile, la nécessité de s’exiler est devenu évidente chez les détracteurs du régime en place.
La communauté internationale ne réussit pas à s’accorder sur les mesures à prendre pour arrêter la dérive autocratique de Pierre Nkurunziza et de son régime. Le scrutin présidentiel se tient le 21 juillet 2015. Le 20 août, Nkurunziza est investi pour un nouveau mandat. Petit à petit, les manifestants pacifiques écrasés par la répression quittent la rue et laissent la place à ceux qui ont des armes et des revendications plus belliqueuses. La violence augmente encore : assassinats ciblés, arrestations et tortures de détenus, attentats à la grenades, etc.
Après environ deux années de conflit de basse intensité, le régime, à force de répression, parvient à un contrôle draconien du territoire et de la société. Mais à quel prix ? Le pays est économiquement exsangue et vit dans la peur. Il n’existe plus de société civile indépendante. Environ 400 000 Burundais ont fui le pays. Au moins 1 200 personnes sont décédées de mort violente entre 2015 et 2018 selon la Ligue burundaise des droits de l’Homme (Iteka). En mai 2018, le régime fait modifier la Constitution par un référendum controversé. La nouvelle Constitution permet dorénavant au président en place de briguer deux mandats de sept ans. Le président Nkurunziza indique qu’il ne sera pas candidat au prochain scrutin présidentiel. Durant deux années, le régime refuse toute discussion sur la tenue d’élections libres, transparentes et inclusives avec l’opposition en exil, qu’elle qualifie de « putschiste ». A la fin de l’année 2019, une nouvelle rébellion armée appelée « Red Tabara » apparaît et multiplie les attaques dans le nord-ouest du pays. Le 20 mai 2020, l’élection présidentielle se tient dans un contexte politique tendu. A l’issue d’un scrutin entaché de nombreuses violations des droits humains et manquant de transparence et d’équité, le candidat du pouvoir, le général Évariste Ndayishimiye, 52 ans, remporte sans surprise l’élection avec 68,72% des suffrages. Le 8 juin, le président sortant Nkurunziza décède brutalement à l’âge de 55 ans obligeant Ndayishimiy à prendre ses fonctions plus tôt. Le régime fait alors front commun : le gouvernement choisi par le nouveau président est exclusivement composé de membres du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), faction issue de la guerre civile. Le Premier ministre – le général Alain-Guillaume Bunyoni (ex-commissaire général de la police, considéré comme le véritable numéro deux du régime depuis la crise politique de 2015) – et le ministre de la sécurité – le général Gervais Ndirakobuca (ex-chef du Service national des renseignements, pièce maîtresse de la répression depuis 2015) – sont tous deux sous sanctions des Etats-Unis et de l’Union européenne. Ce gouvernement est loin de rassurer l’opposition et la société civile.
Le changement de président au sommet de l’État n’a, dans les faits, pas amélioré la situation des droits humains dans le pays. « La répression des opposants politiques supposés et des défenseurs des droits humains se poursuit de façon implacable, galvanisée par des discours de haine et d’incitation à la haine inter-ethnique qui contribuent à entretenir un climat de peur » indique Maître Armel Niyngere, président de l’ACAT-Burundi[1].

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