1. L’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la torture au Burundi a appris avec indignation la condamnation de son ex-employé Germain Rukuki à 32 ans de prison ferme, décision rendue ce 26 avril 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Ntahangwa.
2. ACAT-Burundi déplore que Germain Rukuki n’ait pas bénéficié des services d’un Avocat garantie par la loi fondamentale, le Code de procédure pénale ainsi que les différents textes internationaux auxquels le Burundi a ratifié lors de son interrogatoire au Service National de Renseignement. Rappelons qu’il a été arrêté chez lui par une trentaine de policiers qui l’ont ensuite conduit dans les geôles du Service National des Renseignements (SNR en sigle). Il a été par la suite transféré à la prison de Ngozi loin de sa famille pour le soumettre à de mauvaises conditions psychologiques de détention.
3. Quant au fond du dossier, ACAT-Burundi déplore que le Ministère public, par manque de preuves, a d’abord, en août 2017, accusé Germain Rukuki de « rébellion » et d’ « atteinte à la sécurité de l’Etat » pour avoir travaillé avec l’ACAT-Burundi radiée par le gouvernement en 2016, puis alourdit son dossier judiciaire avec de nouvelles infractions qui n’ont pas fait objet d’instruction au moment de la phase pré juridictionnelle ce qui est une entorse au Code de Procédure Pénale et sans qu’aucune preuve matérielle ne soit produite lors de l’audience du 3 avril 2018. Il s’agit des crimes d’ « assassinat de militaires, policiers et civils », de « dégradation des édifices publics et privés » et de « volonté de changer le régime élu démocratiquement ».
4. ACAT-Burundi regrette que les arguments avancés par la défense et appuyés par le droit positif burundais en ce qui concerne la nullité de la procédure n’ont pas été pris en compte par le juge de fond et cet état de fait prouve à suffisance que la condamnation de Germain Rukuki s’inscrit dans le harcèlement des défenseurs des droits de l’homme par la machine gouvernementale mise en marche depuis la crise socio politique de 2015. En effet, les faits évoqués dans son dossier judiciaire sont abusivement placés dans le contexte des violences de 2015 pour manipuler la loi et justifier la lourde condamnation.
5. C’est la raison pour laquelle ACAT-Burundi interpelle les magistrats et en particulier les Juges pour qu’ils disent le droit en rendant des décisions de justice fondées sur le droit en toute indépendance, vis-à-vis de l’Exécutif notamment qui instrumentalise l’appareil judiciaire dans des dossiers à caractère politique comme celui de Germain Rukuki et d’autres défenseurs des droits de l’homme en détention arbitraire.
6. ACAT-Burundi rappelle aussi au Gouvernement que l’Etat du Burundi est tenu de garantir le principe universel selon lequel « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle … » (Art 14 du Pacte International des Droits Civils et Politiques)
7. ACAT-Burundi demande enfin au Gouvernement du Burundi de libérer sans condition Germain Rukuki du moment que la Justice ne dispose pas d’éléments d’ordre matériel, morale et légal pour justifier sa détention et encore moins sa condamnation.
Pour ACAT-Burundi
Me Armel Niyongere
Président